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Intervention de Didier Terrier

Seance  du 13 avril 2021



Didier Terrier rappelle que c’est la deuxième séance qu’il présente sur la question des modes des rémunérations des ouvriers au XIXème siècle. La précédente séance étant une partie plus technique sur la propension, dans les usines textiles et ailleurs, à substituer la rémunération au rendement à celle liée à la durée du travail. (Voir "Les rénumérations dans les usines de la première industrialisation" sur le blog) L’usine Voortman, à Gand, est un bon exemple en la matière dans la seconde moitié du siècle. Pour élargir la réflexion à ce sujet, il évoque Karl Marx, contemporain de sa période de recherche,  qui pense que la transformation des salaires est toujours un artifice destiné à obtenir davantage d’efforts de la part des ouvriers en un temps donné. C’est l’intérêt financier des patrons à faire du profit qui détermine le mode de rémunération car ils cherchent à satisfaire les détenteurs des capitaux de l’entreprise qui, hormis dans les structures productives importantes comme les mines, sont majoritairement familiaux à cette époque. Didier  Terrier fait donc la relation entre une pensée globalisante, celle de Marx, et la réalité du terrain, en l’occurrence deux compagnies minières fort connues en France car relativement importantes, mais vieillissantes. Au XIXème siècle, la France a des besoins massifs en charbon or la production française est inférieure aux besoins  des particuliers et surtout des industriels. Aussi, toutes les compagnies  ont alors un taux de profit élevé, à charge pour celles comme Anzin et Carmaux de suivre le mouvement en rénovant leurs installations et/ou leur mode de gestion du personnel, trop peu performant.

 

Il explique que les patrons des industries du textiles, confiants quant à la rentabilité des investissements dans  la houille, sont au premier rang des spéculations et au premier rang de ceux qui exigent la rentabilité maximale des capitaux. C’est notamment le cas à Anzin et, plus encore, dans de nombreuses compagnies du bassin du Nord-Pas-de-Calais. À Carmaux, l’armature financière n’est pas la même mais là aussi, le Capital a ses exigences. C’est une compagnie minière située dans les environs de Toulouse et Montauban  dans le Midi de la France. Le gisement de charbon est riche au point que les mineurs continuent l’exploitation au début du XX siècle. Quant aux sources archivistiques, bien plus abondantes qu’à Anzin, elles vont permettre la réalisation d’un très grand travail de recherche : le Carmaux de Rolande Trempé. Ces mines donnent du travail à la population locale et mineurs migrants et perçoivent des investissement massifs des patrons du textiles  qui cherchent à engranger plus de revenus. Des deux côtés, la modernisation des installations s’impose, tant au fond qu’en surface. Comment redresser la situation ? Il y a deux solutions : soit diminuer les dividendes perçus par les actionnaires sur leur investissement dans l’entreprise,  soit faire des salaires un variable d’ajustement.  Des deux côtés, la balle est dans les mains du Conseil d’administration et du directeur, un salarié, ingénieur des mines en général. Choisir -et c’est le cas - de faire travailler les ouvriers en faisant sorte que les augmentations de salaires soient les plus modiques possibles pour une production par tête qui, elle, progresse révèle, sans fard, comment procède le capitalisme dans ces deux cas assez similaires.

 

Le passage aux rémunérations calculées au rendement est indispensable : faute de pouvoir évaluer la performance des ouvriers de manière aussi facile que dans le textile, le passage au marchandage s’impose : chaque lot proposé par l’ingénieur aux équipes de mineurs fait l’objet d’enchères descendantes où l’emportent les mineurs qui s’engagent à travailler à moindre prix. Plus encore que dans le cas du travail aux pièces, il s’agit là d’une forme d’auto-exploitation particulièrement efficace. Au fond, tous les mineurs ne sont pas rémunérés de la sorte. Mais ceux pour qui ça n’est pas le cas  doivent souvent augmenter la cadence pour ne pas pénaliser ceux qui ont marchandé leur force de travail. Cette gestion du personnel, particulièrement habile, n’entrave pas pour autant le surgissement des conflits sociaux d’un côté comme de l’autre. La grève d’Anzin, en 1884, est devenue emblématique dès lors qu’elle a servi de modèle au roman de Zola, Germinal. Elle dessine également une ligne de fracture au sein du mouvement ouvrier entre réformistes et révolutionnaires, ligne de fracture qui n’exclut pas l’existence de groupuscules qui cultivent leur marginalité mais aussi l’extrême originalité de leur pensée (Broutchoux).

 


                                                            Les questions posées à l’intervenant


 

Un étudiant demande comment cela se passait dans les mines aux colonies. Didier Terrier répond que la relation de dépendance  est plus  forte, d’autant plus, que les états coloniaux n’ont pas à justifier le traitement des populations locales. C’est une relation de domination d’exploitant à exploité plus brutale qu’en France.

 

Un autre étudiant pose la question des systèmes d’assurances précoces pour les protections sociales. La réponse est qu’une loi parait en 1898 pour protéger les ouvriers. Elle inverse la charge de preuve afin qu’il revienne à l’employeur de prouver que  les ouvriers n’ont pas respectés  les règles de sécurité et qu’il a mis en place tous les équipements pour assurer la sécurité.

 

Une question concernant les actionnaires et leur responsabilité individuelle est posée. Ils reçoivent une rémunération pour les risques qu’ils prennent en investissant dans les mines, et c’est normal. C’est que qu’on appelle le dividende qui correspond à une part de bénéfices d’une entreprise attribuée à chaque actionnaires. Didier Terrier ajoute que c’est une question vieille comme le monde de savoir jusqu’où aller dans l’exploitation des gens et, ce, dans quelles conditions de travail pour faire du profit. C’est le problème du capitalisme. Il donne l’exemple du travail des enfants dans le monde pour satisfaire les productions. Le fondement de la richesse est basé sur l’exploitation de ceux qui n’ont rien, qui sont vulnérables.

 

Une question posée dont la réponse est le rappel des deux modes de rémunérations et une explication sur l’organisation syndicale socialiste qui oscille entre la pensée révolutionnaire (Guesde) et la réforme légale du système (Jaurès). Il y a une transformation du capitalisme à la fin du XIXème siècle du à la forte présence socialiste.

 

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