Le travail des femmes dans l’Italie rurale à l’époque préindustrielle : l’exemple de la République de Venise.
Le séminaire a été animé par Andrea Caracausi qui traite la question du travail des femmes dans l’Italie rurale à l’époque préindustrielle avec comme exemple la République de Venise.
Andrea Caracausi est professeur d’histoire à l’université de Padoue (Italie) et également directeur du département des sciences historiques et géographiques et du monde antique. Il est titulaire d’un doctorat en histoire économique et sociale. (Site internet de l’université de Padoue)
Son séminaire s’est articulé en plusieurs parties, il s’est principalement appuyé sur la méthodologie du travail et la démarche qui a permis de construire les recherches.
INTRODUCTION :
Le projet d’Andrea Caracausi porte sur les économies rurales aux époques préindustrielles. Il s’agit d’un sujet dont sont issues plusieurs recherches, notamment dans les domaines l'histoire du genre, l'histoire de l’économie, l'histoire du travail et l'histoire des sociétés.
Les différents groupes de chercheurs se demandent s’il y a des inégalités entre les genres dans le travail rural préindustriel et quelles sont ces inégalités.
Les premières recherches sur le travail sont sur la proto-industrie, réalisées en 1973 par Franklin Mendels, puis en 1977 par Peter Kriedte et Hans Medick. Par la suite, De Vries, en 2008, étudie la révolution industrielle, c'est-à-dire la réorganisation du temps du travail qui entraîne une augmentation de la part de travail dans des activités productives et un changement des habitudes de consommation dans les messages. Plus récemment, les chercheurs étudient le travail des femmes, qui est peu mentionné par les sources. Pour l’étudier, les chercheurs la modifient, ce qui donne lieu à une histoire plus globale et permet de voir au-delà du travail salarié, voir le travail domestique, donc mieux analyser le travail invisible fait par les femmes. Andrea Caracausi gère le programme « Work,workplace and mobility in preindustrial Italy : a gender perspective » qui a commencé en 2023 et devrait se terminer en 2025. Dans le cadre de ce programme, il étudie plusieurs grandes villes italiennes. L’objectif est de comparer les résultats des recherches avec des études similaires telles que les travaux de Maria Agren à Uppsala (Suède), ceux de Jane Whittle sur la société rurale anglaise et des études sur les pays en développement. L’objectif de ce projet est de voir comment s’opère la dynamique de genre et la répartition des tâches en milieu rural et aussi de qualifier les activités faites par les femmes selon la définition élargie du travail prise en compte. Tout simplement étudier le travail des femmes souvent invisible dans les sources, surtout dans le monde rural et d’identifier s’il existe des différences entre les pays du nord et du sud de l’Europe sur le marché du travail.
Les chercheurs ont donc défini le travail comme toutes les activités quotidiennes nécessaires à la subsistance en comprenant le travail domestique (cuisine, garde des enfants, nettoyages, etc.). L’objectif est d’inclure dans les études le plus d’individus possibles, surtout les femmes, notamment à l’époque préindustrielle où le travail des femmes n’était pas mis en valeur par les sources. (travaux de Whittle, 2019).
MÉTHODOLOGIE :
La méthode de travail se concentre sur chaque activité décrite par un verbe, qui n’est pas identifié par un métier. Cela inclut le travail non rémunéré et permet d’éviter les sur représentations des activités illégales (Ogilvie 2003). De plus, ne pas prendre en compte les titres professionnels contribue à inclure les femmes, dont le travail n’est pas fréquemment indiqué dans les registres. Utiliser cette méthode permet de tenir compte des informations sans penser à la rémunération qui peut varier en fonction des genres et des activités et de surmonter les limites des recherches actuelles qui reposent sur le métier ou le salaire différent entre les femmes et les hommes.
SOURCES :
L’étude du territoire de Padoue est intéressante car c’était un territoire important de la République de Venise, notamment dans le secteur du textile et de la campagne, beaucoup de blé provenant de cette région est importé à Venise. Plusieurs types de sources sont exploitées dans les différents travaux du groupe de chercheurs.
- Les archives de procès criminels sont très intéressantes, on y retrouve le témoignage des victimes et des témoins qui informent sur leur vie personnelle, économique, leur santé, les conditions de travail. Par contre, les chercheurs n’utilisent pas les témoignages des accusées, car il peut y avoir un doute sur la véracité du témoignage.
- Les registres des morts subites informent sur le cas du décès et sur ce que faisait le défunt juste avant.
Un biais de ces sources est souligné : elles mettent en évidence plus les hommes que les femmes (seulement 22 %) car elles étaient moins appelées à témoigner.
RÉSULTATS :
Les sources et la manière de les exploiter ont permis d’étudier la complexité qui dominait le monde du travail pendant l’époque préindustrielle.
Les historiens constatent qu’il y a autant de femmes que d'hommes dans le secteur de l’artisanat à Padoue (13% contre 10% pour les hommes). Cela montre qu’il n'y a pas d'activité plus exercée par les hommes. Par contre, les recherches montrent que les activités du secteur du soin sont plus faitespar les femmes. Les hommes sont plus représentés dans le secteur des transports. De plus, l’étude révèle que les femmes sont présentes dans plus de 10% des cas dans les différents secteurs, sauf pour le secteur des transports.
Ensuite, l’étude a été comparée à d'autres recherches en Europe, dans les secteurs de l’agriculture et de la santé les mêmes statistiques sont similaires. Donc l’idée de divergence entre le sud et le nord de l'Europe ne s’applique pas dans le marché du travail.
- Pour conclure, la présence des femmes est nécessaire dans toutes les activités professionnelles, ainsi que dans les tâches quotidiennes qui représentent un travail conséquent.