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Contrôler la mobilité des travailleurs de la laine à Huescar et Padoue : une comparaison entre les deux aux XVI’s et XVII’s

 

Une étude de cas : la production de la laine

 

La mobilité des travailleurs à travers des stratégies mises en place par les marchands-entrepreneurs lainiers.

C'est un travail saisonnier, qui fait appel à des mains d’œuvres saisonnières diverses. La production de la laine fait appel à de nombreuses étapes qui pouvaient franchir les frontières et les territoires. On constate l'importance de la draperie dans l'économie méditerranéenne depuis le bas Moyen Age. Cette production de draps fait l'objet d'exportation lointaine.

Deux cas : - Huescar une ville de 2000 habitants dans le sud de l'Espagne est un important lieu de production de la laine. Près de 3000 saisonniers venant parfois de loin viennent travailler à Huescar.

- Padoue une ville italienne de 35 000 habitants, important centre lainier du XVI et XVII's qui possédait une importante production textile, dont la main d’œuvre de production étaient très mobiles au fil des saisons.

On trouve des connections entres ces deux régions. Beaucoup de laine envoyé à Padoue provenait de l'Espagne. La laine, et sa transformation se faisant à Padoue, pouvait représenter jusqu'à 65% du coût final du produit. Ces opérations saisonnières entraîne d’important mouvement de population.

Les sources utilisées

Pour Huescar, on utilise des actes notariés qui retracent les contrats d'embauches des travailleurs dans les lavoirs, mais aussi des contentieux, les arrêtés de travail, les arrêtés municipaux …

Pour Padoue on utilise surtout des actes judiciaires, procès entre marchand et travailleurs, conflit au sujet des contrats de travail, et conflits entre entrepreneurs au sujet de la gestion de la main d’œuvre et de cette mobilité du travail.

On constate différents niveaux de compétences au sein des lavoirs et des boutiques de la laine. Dans les lavoirs on trouve des ouvriers qualifiés (les équipes de l'eau : capitan del agua, chorerros, tablajeros …) mais aussi des ouvriers, des femmes et des enfants moins qualifiés. A Padoue, pour la transformation de la laine, on trouve la même chose, des groupes qualifiés et des groupes moins qualifiés. Pour Huescar on compte 3 000 travailleurs saisonniers, les formes contractuelles et les niveaux de salaires dépendaient des niveaux de compétences.

On distingue un régime hiérarchique très strict. Les marchands de Padoue décidaient la quantité de laine à laver et à travailler, ils sont donc en haut de la hiérarchie. Se sont souvent des marchands italiens, souvent originaire de Gênes, qui possèdent les lavoirs en Espagne. On trouve ainsi différents membres de la même famille marchande à la tête des différents lieux de production de façon permanente. On trouve également des ouvriers qui s'organisent en groupe. Les marchands négocient les salaires et les conditions de travail avec les chefs d'équipes d'ouvriers. Les équipes avaient donc leur propre hiérarchie.

 

>La hiérarchie des travailleurs de la laine traduit une organisation du monde du travail

Une main d’œuvre mobile

Ces équipes de travail sont composés d'ouvriers très mobiles. Une grande partie des travailleurs de Padoue provenaient des régions situés à 40 voir 100km de là. La mobilité était aussi professionnel, on trouve des travailleurs qui travail chez plusieurs producteurs, plusieurs marchands différents au cours de l'année et au cours de leur vie. A Huescar, les travailleurs venaient également des régions voisines ( de Cartagena à 68 km).

 

>Le recrutement et les mobilités de la main-d'oeuvre pour le travail de la laine dans la région proche de Padoue

 

Comment gérer une main d’œuvre mobile ?

Les contrats permettent de gérer cette mobilité. A Huescar les contrats sont généralement verbaux, et se font par paiement anticipé « Pagos por Adelantado ». Le marchand anticipe une partie du salaire afin de garantir l'assistance au travail des travailleurs d'année en année. Il n'était pas rare que des familles entières travaillent au même endroit, et réunies sous le même contrat de travail. La constitution des groupes de travail se faisaient par acte notarié ou verbalement.

Les marchands drapiers avaient besoin de contrôler cette mobilité. Ils pouvaient donc saisir la justice envers les travailleurs qui quittaient le travail avant la fin du contrat. Ce qui permettait également de réguler la concurrence en empêchant le travailleurs de changer de patron et de contrat.

Les autorités municipales jouent un rôle important sur la régulation de la mobilité. A Huescar on trouve des arrêtés municipaux qui fixe les salaires. A Padoue on trouve des tribunaux de corporations qui gèrent les négociations salariales et les litiges en privés. Ces litiges portent souvent sur le salaire, les conditions de travail. Ces tribunaux permettaient aux migrants de se protéger des locaux qui peuvent voir d'un mauvais œil ces travailleurs étrangers à leur ville, et qui ne connaissent pas leur coutume. A huescar ,les marchands italiens voulaient que les ouvriers travaillent les dimanches et jours fériés, ce qui va à l'encontre des habitudes locales, ces tribunaux règlent ce type de litiges.

 

>Les fabriques de laine dans le sud de l'Espagne entre les XVIe et XVIIe siècles

 

>Le travail de la laine, une industrie avec ses propres étapes dans la chaîne de fabrication

Confrérie et recrutement

Les confréries sont elles aussi très importantes, dans la mesure où elles intégraient les travailleurs étrangers, organisaient les rotations d'équipes, bref tous les mécanismes discrets d'organisations du travail, la confrérie restera dans l'ombre jusqu'au XVIIIe siècle.

A Padoue les saisonniers vivent les uns chez les autres. Les chefs d'équipe permanent gèrent l’hébergement des mobiles. (hospices, auberges etc.)

 

>Un exemple d'hébergement aménagé par les chefs d'équipe pour les travailleurs saisonnier : un auspice

Conclusion

 

Les travailleurs saisonniers jouent un rôle fondamental dans les productions d'Ancien Régime. Les cas de Huescar et Padoue permettent de comprendre les mobilités du travail et les mobilités artisanale.

A Padoue le travail est saisonnier et fait donc appel à une main d’œuvre étrangère ou migrante. Cette façon de faire est commune mais est révélatrice d'un marché conséquent qui a besoin d'une main d’œuvre importante. Ce travail saisonnier fait aussi appel à des compétences précisent et donc nécessite une main d’œuvre spécialisés.

Le rôle prépondérant des marchants dans la gestions des mobilités. A Huescar et Padoue les marchands encourageaient la mobilité des travailleurs. Ils anticipaient une partie des salaires de leurs équipes et fournissaient également les instruments de travail.

Les modalités des paiements, les contrats, les rémunérations de groupe et les avances de paiements permettaient de contrôler la qualité de production, la qualité du travail et assurer aux travailleurs de subvenir à leur besoin dès leur arrivé.

Les mêmes modalités de paiement pouvaient faire l'objet de cas par cas ou semblable d'un milieu de travail à un autre.

On questionne également le droit à la mobilité de ces travailleurs et on distingue la «bonne» mobilité de la «mauvaise» mobilité.

 

Bibliographie

 

Entre histoire du travail et histoire des migrations

Fontaine, Diaspora marchandes et diasporas artisanales, 1998

Munkc E Winter, Villes, institutions et travail des migrants, 2012

Cerutti, « Étrangers » et enracinement locales, 2012

Epstein, Migration et transfert de technologie, 2004

 

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