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Séminaire 5 Echanges(19/10/21)

 Clement Guilaume & San Tek Jaya

“Ville et migrants en Amérique Espagnole à l’époque moderne.”

Par Jean-Paul Zuniga,chercheur EHESS


I) Les Amériques terre de Migrations

Quand les Indes occidentales sont incorporées dans ce qui allait devenir l’Empire espagnol. Des vastes transferts de population vont avoir lieu, notamment avec les Castillans, mais aussi toutes les autres identités ibériques, portugais, andalous, catalans, etc.

Ensuite, ces flux s'étendent aux Africains et in fine aux Amérindiens qui vont se retrouver dans des situations de migrations contraintes.

 

A)Les migrations Ibériques

Ces migrations vont concerner, des hommes et des femmes différentes et vont migrer successivement dans les différentes zones des Amérique.

Entre 1492-1519 : il s’agit de la période antillaise (caraïbes).

Entre 1519 et 1521 : conquête du Mexique.

Entre 1530-1532 : conquête de l’Empire Inca.

 

À partir de 1570, fin de la période de conquête qui est officiellement rebaptisée par décret royal de Philippe II : en colonisation. Ce décret devrait permettre d'éviter d’associer l'idée de conquêtes avec les excès de violence ayant eu lieu depuis l’intégration.

De plus , entre le XVIe et XVIIe siècles , les flux de populations ibériques, en direction des Amérique, vont atteindre 500 000 individus dans les estimations les plus basses. Au fil du temps, l’immigration illégale des plus modestes en direction des colonies espagnoles va augmenter graduellement au cours des trois siècles et demi de colonisation espagnole. Et ce, malgré les contrôles des autorités pour réguler les migrations non souhaitées. Ainsi, la durée de la colonisation et le développement progressif de l’immigration illégale rends difficile une estimation précise et fiable du nombre de migrants ibériques.

Tout le monde ne pouvait pas se rendre aux Amérique, en effet le pouvoir royal, espagnol dès 1576 a mis en place des critères d’interdiction d’immigration.

Étaient interdit d’immigrer :

- Les Fugitifs de l’Inquisition.

- Les non-Chrétiens (Juifs et Musulmans d’Espagne)

De plus, les sommes nécessaires à la traversée étaient importantes et empêchaient la majorité de la population de pouvoir partir. 

B)Les Migrations et les phénomènes démographiques amérindiens.

 

Les phénomènes migratoires vont souvent malgré eux toucher les populations amérindiennes des Antilles puis dans l’ensemble du continent.

Dans les Antilles, c'est l'ensemble des sociétés amérindiennes qui vont disparaître, ce qui ne signifie pas la disparition des indigènes, mais pour les survivants, de leur intégration dans les sociétés coloniales, les populations s’y métissant lentement au cours du temps.

En méso-Amérique , c’est 95 % des sociétés amérindiennes qui vont disparaître, seules les communautés les plus isolées vont survivre au processus colonial.

Dans la cordillère des Andes, le processus se fera moins important, de nombreuses communautés résisteront, parfois farouchement aux colons espagnols, et ce jusqu'à la fin de la période coloniale et à l'avènement des républiques sud-américaines au XIXe siècle.

La disparition des sociétés amérindiennes s'accompagne également d’une chute démographique importante. La proportion et le nombre de morts sont le centre de vastes querelles historiographiques.

D’un coté le “maximaliste” , dont fait partie l'historien états-unien William Denevan dans son ouvrage “The Native Population of the Americas in 1492”, estimait que la population amérindienne atteignait entre 45 et 65 millions d’habitants, et que l’arrivée des Européens a fait chuter de manière terrible les courbes démographiques.

Les autres, les “minimalistes”, estiment quant à eux, que la chute ne fut pas aussi importante, dont notamment l’historienne Cécilia Rabell-Romero, dans son livre : “El descenso de la poblacion indigena durante el siglo XVI y las cuentas del gran capitán"1993.

Cependant, les deux points de vue s’accordent sur la rapidité du phénomène, qui se serait produit en quelques décennies seulement !

Entre 1492 et 1532, tous les centres de peuplement pré-colombien sont sujets à de forts reculs démographiques, et ce, malgré les politiques de concentration des populations par les autorités espagnoles. Enfin, ces survivants deviennent malgré eux des migrants se retrouvant dans de nouveaux espaces colonisés ou cherchant à fuir l’avancée occidentale.

 

C)Les Migrations africaines

Face aux manques de main-d'œuvre serviles et à la chute démographique amérindienne, les Espagnols à l'instar des Portugais vont faire appel à la main-d'œuvre africaine. Et lentement  vont mettrent en place un système de traite et de déportations entre l’Afrique et les colonies avec l'aide de certaines tribus et royaumes africains sub-sahariens. Ces migrations contraintes se feront dans des conditions difficiles et seront pour de nombreux individus, un voyage simple sans possibilité de retour. De plus, ces populations parfois ethniquement différentes vont une fois dans les colonies créer des mélanges culturels.

 

Entre 1511 et 1641, il y aurait eu au moins 320 000 esclaves en Amérique espagnole.

Or selon l’historien Antonio de Almeida Mendes, historien moderniste spécialiste de la traite transatlantique. Le commerce triangulaire, entre l’Europe, les Amériques et l’Afrique ne se met réellement en place qu'au cours du XVIIIe siècle.

Ces populations vont elles aussi lentement se mélanger au reste de la population et vont marquer de leurs empreintes l’histoire et la structure urbaines des centres de peuplements coloniaux.

 

II) La ville, cadre matériel de vie de la République des Espagnols.

La gestion de l’Amérique ibérique se fait hors de la royauté espagnole, c’est un nouveau gouvernement hiérarchisé qui se met en place: 

L’incarnation du pouvoir politique ibérique est la ville, comme lieu de la vie politique.

 

A) Un empire de villes

L’organe politique de l’empire espagnol des Indes se fonde sur la construction de villes nouvelles parsemées sur le territoire sous la forme d’un réseau administratif, reprenant les modèles de l’empire romain.

Ces villes nouvelles avaient toutes la forme du plan en damier, un modèle fondé par un Etat fort et qui provoque parfois la destruction de villes précolombiennes pour sa planification, comme il fut le cas pour Tenochtitlan, l’ancienne capitale aztèque. 

Le plan en damier se fonde sur deux grandes rues centrales Nord-Sud et Est-Ouest et un ensemble quadrillé. Le cœur du pouvoir politique et économique se trouvait toujours au centre de la ville.

Ce plan, qui à l’instar de son modèle romain prend une  dimension fortement militaire, a pour objet  de défendre la ville, les colons espagnols étant en minorité, ils devaient défendre leurs nouvelles terres.   







Plan de la nouvelle ville de Guatemala,1787.

B) Coexister dans la ville

Le prix du voyage en Amérique coûtait une fortune mais promettait un paradis fiscal, puisque les colons ne paient plus d’impôt, signe de grand privilège autrefois réservé aux nobles ou au clergé.

Les roturiers espagnols revendaient alors tous leurs biens pour obtenir un billet, ils partaient avec des marchandises produites en Europe (draps, tissus) qu’ils pouvaient revendre une fortune dans les Amériques et ainsi recommencer leur vie là-bas.

Les Espagnols, qui  arrivaient progressivement dans les villes, demeurent très minoritaires sur l’ensemble de l’empire. Les Amérindiens et Africains, déplacés de force sur le territoire, dominaient en nombre dans les villes espagnoles.

Les villes avaient toutes le même thème architectural baroque et la même forme en damier afin de créer une ressemblance entre elles et de fonder une unité au sein de l’empire.

Les fêtes royales et religieuses étaient les mêmes et au même moment dans toutes les villes de l’empire.

Les habitants avaient alors le sentiment d’être un seul et même peuple.

 

C) Une occupation de l’espace urbain en fonction des différents courants qui alimentent sa démographie

L’espace urbain va connaître une occupation puis une évolution très variés suite à plusieurs migrations au cours du temps. Des migrations  fondées sur l’origine sociale, mais aussi sur la race de ses habitants.

Les premiers colons dans la ville sont les conquistadors, ces derniers s’étaient enrichis de leurs conquêtes, arrivent ensuite  les fonctionnaires du roi, privilégiés pour l'accès à la citoyenneté en Amérique. Ensemble, ils incarnaient la population la plus puissante et sont situés au centre de la ville.

Viennent ensuite les Amérindiens alors originaires ou déplacés dans la ville, représentent la majorité de la population, ils peuvent se mélanger avec les blancs ou alors avoir des quartiers distincts. Tout comme les conquistadors et les fonctionnaires, leur situation plus ou moins centrale dans la ville se fonde sur leur capital économique et politique.

La troisième arrivée est celle des migrants européens (Grecs, Espagnols, Italiens) ayant tout sacrifié pour venir en Amérique et  les esclaves africains déplacés de force dans les villes. Les esclaves africains sont dans tout l’espace urbain sans rien posséder et étant au service de leur maître, même si les quartiers de ventes d'esclaves se trouvaient généralement sur les périphéries de la ville. Les migrants, quant à eux, vivaient en marge de la ville dans des quartiers plus modestes.

La ville n’était pas simplement habitée, il y avait aussi des champs (vignes, jardins, potagers, blés), enclos et moulins au sein de la ville. La ville est alors un lieu d’habitation et de production.

 

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