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Compte-Rendu : La galerie des offices de Florence : un lieu de travail et de rémunération, fin XVIe début XVIIe siècle par Corine Maitte

 

© Getty / Photo Julian Elliott Photography / Galerie des offices de Florence / 17 mars 2020

 

La galerie des offices est l’un des plus grands musées d’Italie. Il fut construit à Florence au XVIe siècle par le célèbre architecte Giorgio Vasari (1511-1574). Ce fut un bâtiment organisé par les Médicis qui servait de centre administratif pour le Grand-duché de Toscane. Cette nouvelle gestion entraina la création de nombreux postes comme celui de ministre de la galerie, de surintendant, de scribe ou encore de gardien de la galerie.

Le rez-de-chaussée accueillait les bureaux des corporations florentines. Elles déménagèrent dans la galerie des offices en réponse à une décision Grand-ducale. Au dernier étage furent installés un certain nombre d’ateliers artisanaux en lien avec le mécénat des Médicis. Cela pouvait être le cas des ateliers d’ébènes ou de sculptures mais aussi jusqu’à des techniques plus diverses comme les enluminures, l’orfèvrerie ou la fabrique d’armes. Situés auparavant, pour la plupart, près du couvent dominicains de San Marco, ce regroupement d’artistes différents permet une meilleure coopération.

 

Les sources qui permettent de clarifier et d’authentifier les activités de la ville de Florence, dirigée par les Médicis, sont les registres comptables. Il s’agit d’une source spéciale puisqu’elle dure 152 ans de 1585 à 1737. Ce type de sources permet une étude sur la durée en observant les changements. En effet, elles nous informent sur les actions des personnes qui travaillèrent dans les chantiers de Florence. Sous la supervision des responsables d’atelier, il nous est permis d’observer des changements sur le temps de travail des ouvriers. Il est aussi possible de savoir combien étaient payés les travailleurs par jour de labeur. Cette étude s’est concentrée sur les travailleurs rémunérés semaines après semaines. Le point de vue est celui de l’entreprise puisque c’est elle qui paie.

Un recensement nominatif a été réalisé pour observer le turn over. En comparaison avec des économistes-historiens récents qui situaient approximativement 200/250 jours de travail dans l’année, ces recherches en recensent environ 280 par an. En effet, une fois la question des jours fériés posée, il est apparu que les ateliers des Médicis travaillaient plus ; l’explication serait que certains ouvriers travaillaient de façon continue.

 

Le second intérêt de cette source serait l’étude des jours de travail effectifs pour pouvoir observer un nouvel aspect des rémunérations. En prenant l’exemple du temps de travail des maîtres de la boutique, il est apparu que le rythme était différent selon la personne. En observant sur un temps plus cours d’une semaine au lieu d’un an, l’absentéisme de certains maîtres a émergé. Ce fut le cas de Bernardo qui manquait 3 à 4 semaines par an, contrairement à son collègue Gio Batta di Giorgio qui s’absentait plus souvent une demi-journée par semaine. Si le premier partait pour chercher des matières premières, l’activité du second n’était pas indiquée. Cette étude plus précise permet d’étudier plus précisément le temps de travail contrairement aux travaux réalisés par les historiens d’une histoire économique à long terme.

Une information pertinente à ajouter concerne le travail des maîtres pour les Médicis. Les artisans ne pouvaient pas travailler pour d’autres employeurs. Il fallait par conséquent créer des conditions attractives. Ces modalités concernent en majorité les salaires. Y a-t-il une relative standardisation des salaires ?

Si les registres comptables nous permettent de voir une grande diversité́ des modes de rémunérations, l’hypothèse de la standardisation est à retenir. Il existe trois types de rémunérations : à la journée / au forfait, avec provisions pour les rôles de cour et enfin à la pièce. Certains, furent même payés au mois comme ce fut le cas pour les écrivains et les gardiens de la galerie.

Il est alors possible de retrouver ces employés sur des listes hebdomadaires avec une certaine hiérarchisation des modes de rémunérations.

Ce qui est particulièrement attractif pour les artisans, concerne la rémunération en nature. Nommée gratification, elle est versée par le Grand-duc lors d’un bon travail. Il peut s’agir de logement ou encore d’un accès à une cantine pour les plus privilégiés. Ce type de paiement est alors difficile à évaluer, c’est par exemple le cas des dons que le Grand-duc faisait après des chasses. La gratification n’est alors pas standardisée mais est plutôt individuelle et elle est donc variable.

Enfin, l’étude de cette source permit la découverte d’une potentielle structure de rémunération. En 1585, une liste d’artisans de 32 personnes est divisée en plusieurs groupes.  La notion de salaire moyen proposé par les historiens de la longue durée n’a pas vraiment de sens ici. En séparant les employés à tout faire, des jeunes garçons payés 5 sous par jour, avec les maîtres payés 60 sous par jour, la différence est frappante.

L’année 1606 permet aussi d’étudier une structure de rémunération. Il y a trois équipes de tailleurs de pierres sans aucunes distinctions hormis leur salaire. Tous les employés travaillent sous les ordres d’une ou de deux personnes mieux payées, leur rémunération s’amoindrie ensuite en fonction de leur attribution.

 

 

L’intérêt majeur de cette étude concerne les jours effectifs de travail, pour faciliter une meilleure compréhension des salaires des ouvriers et leurs conditions de vie. L’approximation des historiens passés concernant les salaires des ouvriers n’étant qu’une simple moyenne des salaires les plus faibles et les plus hauts, ne permet pas de situer un ouvrier face au coût réel de la vie au XVIe et XVIIe siècles.

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