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Les très riches heures du duc de Berry - Calendrier : le mois de juin, 1411-1416
Les très riches heures du duc de Berry - Calendrier : le mois de juin, 1411-1416, Enluminure (H. 29 cm ; L. 21 cm), Musée Condé, Chantilly, France, disponible sur panoramadelart.com : https://panoramadelart.com/analyse/les-tres-riches-heures-du-duc-de-berry

Dans le cadre du séminaire « Lieux de pouvoir », les étudiants du master Histoire ont pu visiter la Conciergerie et les abords du Palais de Justice de Paris. La visite a été présentée par Diane Roussel, spécialiste des lieux de justice et de la police à l’époque moderne, et de Mathilde Larrère spécialiste du maintien de l’ordre au XIXe siècle.

 

Histoire des lieux :

Le palais de la résidence royale est situé sur l’Île de la Cité, au cœur de la centralité politique et religieuse de Paris. C’est le siège du pouvoir royal et administratif du royaume puisqu’il devient la résidence du roi Clovis au VIe siècle qui y établit son conseil et son administration ainsi qu’une prison.

 

L’architecture ainsi que l’organisation du bâtiment ont fortement évolué depuis ses origines. Le bâtiment actuel est construit par Philippe-Auguste qui en fait l’outil de la démonstration du pouvoir capétien. C’est un espace plurifonctionnel, réparti sur 4 hectares avec plusieurs bâtiments, dont la Conciergerie, le Palais ou encore la Sainte-Chapelle. Différentes sources iconographiques, telles que le prestigieux livre des prières du duc de Berry datant du XVe siècle, représentent le clos du Palais dans son aspect ancien.

 

Le Palais est construit et évolue selon les besoins de la cour, c’est pour cela que la bâtisse est agrandie pour pouvoir loger la cour lorsqu’elle séjourne à Paris. Sous Philippe Le Bel, le bâtiment est remodelé et agrandi afin d’accueillir les activités juridiques et judiciaires du royaume. Le Palais devient alors un espace qui accueille plusieurs juridictions, des cours de justice et la principale cour souveraine du royaume. Cependant, à la fin du Moyen Âge, il perd ce statut de résidence de la cour au profit du Louvre. Pourtant, il reste l’espace de réception des invités de marque puisque François Ier (1494-1547) y accueille Charles Quint (1500-1558) lors de sa venue en France.

 

Le Palais de Justice et la Conciergerie sont donc des espaces centraux du pouvoir monarchique puisque s’y déroulent les rituels monarchiques comme le lit de justice, cérémonie durant laquelle le roi décide se rend devant les parlementaires pour imposer une loi pour laquelle ils ont émis des remontrances. Le Parlement joue un rôle politique éminent puisqu’il examine et vérifie que les édits et ordonnances respectent les lois fondamentales du royaume. C’est donc le plus grand et important tribunal du royaume, puisqu’y siègent près de 250 magistrats qui représentent « l’Etat éternel », entourés de tous les métiers annexes.

 

Le Palais est un lieu de pouvoir, mais aussi un important espace de sociabilité parisienne puisqu’il y accueillait un centre commercial, très réputé pour le commerce de l’artisanat de luxe mais aussi sa forte concentration de pickpockets... En tant que lieu de pouvoir, le palais concentre des objets représentant et symbolisant son statut : la Sainte-Chapelle conserve à la fois les reliques sacrées et les archives du pouvoir royal, soulignant ainsi la nature religieuse du pouvoir royal et la mise en scène du pouvoir administratif et de la mémoire de l’État monarchique.

 

En tant que lieu de justice et de pouvoir, on y retrouve également une prison, appelée la Conciergerie, où étaient gardés les individus dans l’attente de leurs jugements par les différentes cours du Parlement de Paris. Il s’agissait de prévenus ordinaires. C’était une prison de grande capacité, à la morphologie complexe pour l’époque.

 

La Conciergerie et son fonctionnement ont fait l’objet de nombreuses études sur cette société carcérale marquée par les conditions sociales inégalitaires d’Ancien Régime. Il s’agit d’une reproduction de la société générale à l’échelle de la prison. Les prisonniers pouvaient être dix à quinze par cellule. Certains vivaient dans des cachots où la réclusion était totale, sans lumière du jour. Les détenus développaient une sociabilité entre détenus très dense, ils n’étaient jamais seuls dans les cellules. Ils pouvaient se visiter les uns les autres, se promener dans la prison et recevoir des visites de l’extérieur, ce qui pouvait provoquer des conflits en raison des vols de biens apportés depuis l’extérieur.

 

Le Parlement de Paris disparaît avec le Révolution en 1789. Il conserve cependant ses fonctions judiciaires tout en rompant avec le pouvoir monarchique et passe sous l’autorité de la Mairie de Paris. A partir de 1793, le tribunal Révolutionnaire y est institué et la Conciergerie conserve sa fonction de prison.

 

A la restauration, à partir de 1814, le roi Louis XVIII (1755-1824), frère de Louis XVI transforme la cellule de la reine Marie-Antoinette en chapelle expiatoire, où sont conservés les derniers objets, lettres et reliques qui lui auraient appartenu, afin d’entretenir la mémoire et le culte des derniers rois de l’Ancien Régime.

 

La Conciergerie : enjeux mémoriels, historiques et muséographiques

 

Les enjeux mémoriels et muséaux autour des anciennes prisons font l’objet de débats. En effet, la scénographie actuelle du musée et de la prison a été repensée de manière à inclure la mémoire de la révolution républicaine et libérale, sous l’influence d’historiens dans le Comité scientifique dont l’historien Guillaume Mazeau qui travaille sur la Révolution française. Ces choix viennent rompre en partie avec les anciens choix muséographiques qui contribuaient à entretenir la mémoire contre-révolutionnaire et la légende de Marie-Antoinette. Ce renouvellement historiographique et muséographique est cependant en partie brouillé par la mise à disposition du public « d’histopads » qui proposent aux visiteurs de replonger dans la Conciergerie au temps de Marie-Antoinette, de reconstituer la morphologie et les dispositions des pièces au moment de son incarcération.

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