Alessandro Stanziani, directeur d'études à l'EHESS et au CNRS, est un historien économiste, il obtient une thèse d'histoire en 1995 et nommée, "Discours et pratiques sociales de l'économie politique : économistes, bureaucrates et paysans à l'époque de la "grande transformation" en Russie, 1892-1930" sous la direction de Julia Scherrer. Il est spécialiste de l’histoire des marchés et de la concurrence en Europe, de l’histoire de l’alimentation, de l’histoire du capitalisme ou encore de l’histoire globale du travail. Il fait à travers la comparaison des espaces étudiés de l’histoire globale.
Son dernier livre paru en 2023 a pour titre Tensions of social history. Sources, data, actors and models in global perspective, 18th-20th century, London, Bloomsbury.
L’extrait étudié aujourd’hui est en réalité un chapitre d’une œuvre parue en 2020 aux Presses de Science Po et intitulée : Les métamorphoses du travail contraint, Une histoire globale (XVIIIe-XIXe siècles).
Il s'agit du chapitre 3 nommé « qu’est-ce que le « travail libre » aux XVIIIe et XIXe siècles ».
Stanziani construit le chapitre en centrant une partie sur le Royaume-Uni, une autre sur la France pour tenter de nuancer les différenciations souvent faites entre ces deux espaces économiques pendant la révolution industrielle.
Deux historiographies existent dans ces deux espaces, la première considère le Royaume-Uni comme une entité possédant une affinité « naturelle » pour le capitalisme.
La seconde en France exagère l’importance les corporations et leur rôle dans l’économie française.
Ces historiographies basées sur des idée reçues sont remises en cause par Stanziani.
Royaume-Uni :
Le monde du travail Britannique repose à l’heure de la révolution industrielle sur un corpus juridique qui établit une relation de subordination de l'employé à l'employeur. Le Statute of Laborers de 1351 et les Master and Servant Actsrégulièrement adoptés pendant toute l’époque moderne et jusqu’au XIXe siècle sont les lois qui forment le socle principal du droit du travail britannique. Le premier se pose la question de « forcer » les gens à travailler après la Peste Noire (impose des limites aux salaires, à la mobilité des travailleurs…), l’épidémie créant une pénurie de main-d’œuvre qui donne un pouvoir de négociation important à cette dernière.
Selon A. Stanziani et d’autres historiens britanniques, cette réglementation n’est pas temporaire mais au contraire perdure et est régulièrement renforcée dans la coercition des populations au travail jusqu’au XIXe siècle. Les pouvoirs publics appliquent également une contrainte sur ceux qui ne travaillent les définissent comme des vagabonds, définis par l’Encyclopédie (1751) comme des personnes valides sans travail. Peut aussi être considéré comme un vagabond un travailleur sans emploi fixe. On constate par ailleurs untaux de condamnation pour vagabondage très haut dans les tribunaux britanniques au XIXe siècle (près de 70%). Les contrevenants sont souvent condamnés à du travail forcé.
La loi sur les pauvres de 1601oblige les paroisses d'origine des pauvres à prendre en charge ces derniers. Cette loi aide à la mise en apprentissage des enfants indigents et à la création d'un statut des apprentis. En 1834 et 1842, des lois qui renforcent encore davantage le travail contraint dans les workhouses, un lieu où les pauvres sont enfermés et travaillent. Les pouvoirs publics accordent cependant des aides aux invalides en les plaçant par exemple dans les hôpitaux (dans lesquels ils doivent tout de même travailler). Il existe selon A. Stanziani une volonté forte de contrôler les travailleurs.
Les lois promulguées concilient ainsi aides et obligations au travail, elles renforcent les contraintes du marché sur les acteurs. Stanziani cite l'ouvrage de Karl Polanyi, économiste marxiste on ne peut pas véritablement le définir d’économiste marxiste ( www.cairn.info/revue-du-mauss-2007-1-page-35.htm ) du XXe siècle qui en 1944 dans
Les périodes de récolte font ainsi partir les employés dans les campagnes car les salaires y sont plus haut (usage du terme d'ouvriers-paysans).
Le rythme de la campagne dicte, même durant la révolution industrielle, l'emploi dans les villes.
La France :
En France, une particularité juridique existe : les. Ces juridictions civiles apparues au XIIIe siècle jugent des litiges éventuels entre les salariés et les patrons. A. Stanziani nuance toutefois en indiquant que les prud'hommes sont absents d'une grande partie du territoire. Des juges de paix les remplaçant et donnant en souvent raison aux travailleurs.
L’influence de la philosophie des lumières peut se faire sentir en France notamment dans les mouvements ouvriers, on ne peut ainsi pas vous contraindre au-delà de notre propre liberté. Une distinction est ensuite introduite en 1802 dans le Code Civil entre louage d'ouvrage, qui définit par contrat, à l’avance la tâche à réaliser et la somme à payer et louage de services, où le salarié met son activité professionnelle au service d’un autre moyennant une rémunération fixe.
En 1803, l'apparition duLivret ouvrier (qui connait déjà une genèse en 1749 avec le billet de congé par lequel un maitre autorise son employé à quitter son travail) en France a pour but le contrôle des ouvriers et de leurs déplacements. Le nouvel employeur peut ainsi vérifier que l’employé a quitté correctement son ancien travail. Le livret est mal vécu par une partie des travailleurs qui ne peuvent changer d’emploi si facilement ou travailler à la campagne lors des moissons. Il sera supprimé en 1890.
L’historien Alain Dewerpe montre dans son ouvrage En avoir ou pas, (2010) que le rapport au livret ouvrier est plus ambigu. Le livret pouvait être une fierté pour certains ouvriers. Aussi, tous les employeurs ne sont d'ailleurs pas d'accord pour le livret, c'est en effet une contrainte pour eux aussi.
La Révolution française abolit la domesticité à vie mais les domestiques ne sont pas considérés comme des citoyens pendant la Révolution française (risque d'être influencés par leur maîtres dans leur vote).
CONCLUSION :
Les choses sont en réalité assez comparables entre France et Royaume-Uni à cette période, malgré de longues historiographies qui tentait de prouver le contraire, on trouve souvent des parallèles très similaires entre les deux pays à la même période.
L'historiographie plus récente vient ainsi nuancer les différences et montre que les lois ont leurs analogues. Cette historiographie propose également une interprétation différente de la vision du capital, considérant que durant la première révolution industrielle, le capital humain reste essentiel au-delà du capital technique et des machines.