KOVETSKY Histoire du travail
ALEXANDRE Compte rendu de séance
Séminaire du mardi 13/02/2023
Article de Christel-Freu, Ecrire l’histoire du travail aujourd’hui : Le cas de
l’Empire Romain, Annales, HSS, 1, 2018, p 161-184
L’article de Christel Freu étudié est une note critique, c’est-à-dire qu’il est plus large
qu’un compte-rendu, avec une mise en perspective des ouvrages utilisés.
Christel Freu discute principalement de 3 références d’ouvrages dans cette
publication, dont 2 ouvrages collectifs : « Storia del lavoro in Italia », dirigé par
Arnaldo Marcone, et « Work, labour and professions in the Roman World », dirigé
par Koenraad Verboven.
Le troisième ouvrage est quant à lui une monographie, intitulée « Roman
artisans and the urban economy », de Cameron Hawkins. Les 3 ouvrages ont
été publiés en 2016.
L’auteur de l’ouvrage,Christel Freu a soutenu une thèse en 2004 à l’université Strasbourg
II, sous la direction d’A.Chauvot, sur « Les figures du pauvre dans les sources italiennes de
l’Antiquité tardive ».
Un de ses sujets de recherche initial est la pauvreté entre les Ier siècle avant notre ère et
IVème siècle de notre ère, maiselle a depuis quelques années orienté ses recherches vers le
thème du travail etdes travailleurs.
Le sujet du travail est étudié dans un contexte de christianisation de l’Empire dans l’Antiquité
tardive. Son dernier ouvrage, qui est la publication de son HDR, et est intitulé « Les salariés
de l’Égypte romano-byzantine. Essai d’histoire économique»,paru en 2022 aux éditions de
l’Association des Amis du Centre d'Histoire et Civilisation de Byzance, est d’ailleurs
représentatif de ce changement de direction dans ses sujets de recherche.
Le passage de l’analyse de la pauvreté à celle du travail l’a amené à étudier d’autres sources.
L’auteur est donc passée de sources italiennes tardives, essentiellement des sources
littéraires latines, à des sources papyrologiques de l’Egypte ancienne.
Christel Freu fait ressortir de sa note critique 5 points principaux.
1/Le concept de travail
La discussion porte tout d’abord sur l’existence ou non du concept de travail dans l’Antiquité.
Enopposition à la négation du concept par Koenraad Verboven, Christel Freu s’appuie sur
le travail de Yan Thomas, juriste et historien du droit français spécialiste des méthodes et
des
catégories du droit de l’Antiquité à l’époque contemporaine, notamment à travers son chapitre
d’ouvrage « Travail incorporé dans une matière première, travail d’usage et travail comme
marchandise. Le droit comme matrice des catégories économiques à Rome », paru en 2004, et
conclut une distinction entre méthode en tant que moyen de production et fonction assurée par
celui qui travaille.
Dans ce sens, l’esclave reste la propriété de son maître, qui peut donc profiter du fruit du
travail, celui-ci étant loué par le propriétaire.
2/Une polyphonie du discours antique à propos du terme même de travail
Dans l’Antiquité, la question est de savoir si le travail manuel faisait l’objet d’un réel mépris.
En effet, le travail manuel est vu comme une marchandise, et ce type de travail ne met pas en
valeur ceux qui l’effectuent.
Cependant, cette thèse, soutenue par Karl Polanyi dans son ouvrage “La Grande
Transformation” en 1944, entre en concurrence avec celle plus récente, porté par
Cameron Hawkins dans « Roman artisans and the urban economy ».
L'idée de Cameron Hawkins donne plus d’importance à des tâches liées à l’artisanat et aux
travaux physiques, là où Polanyi voyait le travail manuel dans l’Antiquité comme un concept
décadent.
Cameron Hawkins voit ainsi l’artisanat et le travail manuel comme de véritables activités de
travail, alors que Karl Polanyi ne considère pas le travail manuel comme une véritable forme
de travail dans l’Antiquité.
3/Le statut du travailleur
Le statut du travailleur est indissociable de ce qu’est le travail dans l’Antiquité. Les conditions
principales de la définition de l’objet travail sont la reconnaissance du statut de travailleur et
la rémunération, ce qui crée donc une opposition entre travailleurs libres et esclaves.
A l’époque de l’Empire, les esclaves représentent 40% de la population de Rome, contre
moins de 20% en dehors de l’Italie, et aux alentours de 10% en Egypte.
Le travail de Christel Freu est donc novateur par rapport à la représentation du travail des
esclaves dans l’Antiquité, en se défaisant du schéma romano-centré.
4/Les enjeux du marché du travail
La présence ou non d’un marché du travail dans l’Antiquité est une question essentielle pour
comprendre dans quel climat le travail s’effectuait.
En effet, il est important de noter qu’au sens antique du terme, un « marché du travail »
ne revêt pas le sens qu’à l’époque contemporaine, et peut être défini comme l’ensemble
des besoins qu’ont ceux qui louent le travail, satisfaits par des travailleurs (libres ou non).
Christel Freu replace également le terme de marché du travail par rapport à la compréhension
contemporaine à laquelle il est attachée.
En effet, le marché du travail dans l’Antiquité se caractérise selon Christel Freu par ce
rapport entre travailleurs et ceux qui louent la force de travail,qui se généralise à l’ensemble
de l’Empire.
5/L’économie antique
A contre-courant de la pensée selon laquelle l’économie antique est primitiviste, reprise des
travaux de Karl Polanyi et porté par Moses.I. Finley, historien britannique spécialiste de
l’Antiquité grecque, Christel Freu s’interroge sur le développement d’un marché du travail et
la concentration des travailleurs dans l’espace urbain.
Cette réflexion entre en contradiction avec la pensée selon laquelle les économies antique et
moderne sont opposées, et avant tout déterminées par des critères sociaux.